M. Saley Garba, Coordonnateur de l’Association Nigérienne pour le Traitement de la Délinquance et la prévention du Crime (ANTD) : « Il est fondamental d’avoir une réglementation du travail domestique au Niger

Monsieur le Coordonnateur, quelle appréciation faites-vous du travail domestique des filles et des femmes dans les ménages nigériens ?

Les filles et les femmes travailleuses domestiques sont utilisées par des familles nanties pour servir de bonnes. Certaines proviennent des zones rurales du Niger mais à des degrés différents. D’autres sont originaires des pays comme le Nigéria, le Bénin, le Togo, le Ghana, le Mali, le Burkina Faso, la Cote d’Ivoire. Les 2/3 sont des filles qui sont généralement analphabètes ou peu instruites. Elles sont souvent sujettes à de multiples exactions et exploitations. Elles logent dans des bidonvilles ou des quartiers périphériques et font souvent quatre fois les allées retours chez leurs patrons. Elles ne bénéficient d’aucune sécurité sociale. Il n’y a aucune donnée fiable sur leur nombre. Généralement ces filles et femmes domestiques travaillent au domicile des employeurs pour des tâches ménagères (lessive, préparation de repas, ménage, garde des enfants, nounous …). Elles font aussi la vente ambulatoire de certains articles. Parmi les employeurs, on trouve les classes moyennes qui emploient plus des Nigériennes et les classes aisées qui préfèrent employer des femmes et filles étrangères.
Les filles et femmes deviennent domestiques généralement par un placement dans des maisons par le/la logeuse qui cherche les employeurs à travers la ville. Les revenus des filles et femmes travailleuses domestiques sont très modiques. Pour celles qui travaillent dans les familles de classes moyennes, les salaires varient entre 7.500 à 15.000 FCFA le mois. Pour celles qui travaillent chez les nantis, leurs salaires peuvent varier entre 15.000 à 45.000 F en moyenne. A côté de ces salaires, il faut noter que ces travailleurs domestiques sont nourris par les employeurs. Certaines sont même logées chez leurs employeurs.
Elles sont une force de travail invisible dans nos foyers, pourtant elles sont exploitées par les effets d’un système patriarcal encore dominant. Qu’avez-vous à dire à ce propos ?
En réalité, le travail domestique des filles et des femmes est souvent imputable à la culture du milieu et à la pauvreté à cause de l’insuffisance du revenu des ménages familiaux. Mais la féminisation de cette pratique est surtout liée au caractère patriarcal de la société au niveau des zones rurales au Niger où les hommes sont destinés aux travaux champêtres (79 % de la population en zone rurale) tandis que les femmes assurent le ménage.
L’exode rural continu et la migration sous régionale, grâce à des réseaux dirigés par des agences de placement souvent ont contribué à amplifier ce phénomène, comment voyez-vous en tant qu’acteur œuvrant dans le domaine, la nécessité de protéger le travail des domestiques ?
Il faut absolument protéger ces travailleurs et pour cela nous proposons la création d’un centre d’écoute des filles et femmes travailleurs domestiques victimes d’abus pour leur assurer une éventuelle réparation. Les pouvoirs publics doivent assurer une assistance juridique et judiciaire pour les victimes d’abus, de violence. Les militants des ONGs et associations et tous les acteurs intervenant dans le domaine doivent aussi mener des activités médiatiques de sensibilisation de la population, en particulier les employeurs, à travers les médias (programmes TV/radio), faire des actions de sensibilisation des communautés de provenance des filles et femmes travailleuses domestiques sur les conséquences de ce travail domestique. La formation des forces de défense et de sécurité est nécessaire sur les droits et la protection de l’enfant y compris ceux travailleurs domestiques. Sans oublier d’élaborer un code de bonne conduite en faveur des filles et femmes domestiques à l’intention des employeurs, les logeuses… Il ne faut pas négliger le renforcement des acteurs de protection sur les instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux protégeant les enfants y compris les filles et femmes domestiques et faire des plaidoyers en faveur d’une loi spécifique protégeant les enfants travailleurs domestiques.